Du 4 décembre 2010 au 28 mars 2011, le Musée des Beaux-Arts de Tournai accueille une exposition intitulée « L’Afrique rêvée », images d’un continent à l’« Âge d’or » de la colonisation 1920-1940.
Une
salle est consacrée aux projets et réalisations d'Henry
Lacoste concernant l'Afrique. De très beaux documents
empruntés aux Archives d'Architecture Moderne y sont
présentés.
Notes à propos de Henry
Lacoste dans l’exposition « Afrique Rêvée » au Musée des Beaux-Arts
de Tournai (décembre 2010 à mars 2011).
(librement résumées d’après « Henry
Lacoste, Architecte » par E. Hennaut et L. Liesens)
Rien ne préparait Lacoste à s’intéresser à
l’art africain, sauf ses études aux Beaux-Arts à Paris
et son insatiable curiosité pour les
civilisations lointaines.
Son maître parisien Deglane avait
exécuté les plans de bâtiments coloniaux au Sénégal et pour une expo à
Marseille en 1906.
En 1908 le Congo devient belge et HENRY LACOSTE
participe à un concours en 1911 pour un Hôtel du Ministre des Colonies.
En 1928, autre concours, pour un bâtiment du
Gouverneur au Congo. Les candidats s’essaient à l’exotisme. HENRY LACOSTE
s’inspire de l’architecture du Nord de l’Afrique.
Son véritable intérêt commence en 1930 pour l’Exposition
Coloniale de Paris (Vincennes). Belgique, Pays-Bas, Italie et Portugal y
participent, mais c’est le pavillon créé par HENRY LACOSTE qui fait
l’unanimité.
Sa participation rencontrait un triple
défi :
1) il n’avait pas visité l’Afrique,
2) le programme était vague et
3) il n’avait jamais réalisé de pavillons pour
expositions.
En plus évoquer par l’architecture un pays où
l’architecture monumentale est absente et inconnue est un challenge.
Il se met à étudier les collections du musée de Tervueren, masques,
vanneries, sculptures, tissus et armes et va en adopter les motifs. L’Art Nègre
vient de faire fureur à Bruxelles en 1930.
Il crée un majestueux
palais nègre inspiré des formes des cases congolaises à partir de ses
sources de Tervueren. Le ton est donné par deux immenses faisceaux de boucliers
et de lances, qui encadrent l’entrée. Le mobilier est inspiré des formes
trouvées sur les tambours rituels. Les pavillons sont couverts de chaume et il
illustre les masques les plus expressifs. Les structures des charpentes des
coupoles restent visibles et s’inspirent des broderies et nattes du Kasaï,
comme dans beaucoup de bâtiments de HENRY LACOSTE. Les animaux qui décorent les
mats sont aussi inspirés de l’art local. Le chromatisme est une tendance
habituelle chez lui, et ici il utilise les couleurs locales, notamment pour le
dessin des carrelages. Déjà, il propose une première fois des statues
d’éléphants, mais le projet ne sera pas réalisé.
Suite à cette réalisation, il sera sollicité
pour plusieurs autres expositions internationales, mais son optique de respect
des traditions indigènes restera isolée, car elle s’oppose au courant
moderniste qui voudrait s’imposer dans les colonies.
Ses projets pour l’Exposition Universelle de
Bruxelles en 1935 décorés de deux gigantesques éléphants en bronze ne
seront pas suivis, pas plus qu’un deuxième projet moderne audacieux.
Pavillon de l’Exposition
Paris-Vincennes 1931.
Ce n’est qu’avec l’Exposition de l’Eau à Liège en 1939 qu’il
pourra poursuivre ses essais. Il y reprend l’idée déjà émise en 1931 et en 1933
(pour 1935) de quatre éléphants monumentaux, mais le remplacera finalement par
un immense trophée décoré de masques, dont les dessins sont remarquables. Toute
la décoration du pavillon reste imprégnée du chromatisme décoratif qu’il avait
déjà développé à Vincennes en 1931.
Après la Deuxième Guerre mondiale, il fera encore de nombreuses
propositions (églises, chapelles, collèges, séminaires) dont une seule sera finalement
érigée. Il restera fidèle à l’idée de développer un art contemporain africain
exaltant la négritude.
Son projet le plus abouti fut celui pour le
collège de Bukavu, avec ses collaborateurs les frères Mignot. Malheureusement,
le projet fut abandonné in extremis par les commanditaires.
Il propose aussi des plans d’urbanisation pour
l’embouchure du fleuve Congo.
Finalement, c’est en Belgique, à Thy-le-Château
qu’il réalisera ses recherches pour une architecture congolaise, au séminaire
des Pères Blancs d’Afrique (1947-48 couleurs congolaises, carrelages
inspirés de l’art indigène, etc.). (voir illustration 2, page suivante).
Projets de carrelages pour l’Afrique
--------------------------- Carrelages pour Thy-le-Château
L’expérience de Lacoste en matière d’africanisme est donc
essentiellement différente de ce que nous pouvons observer dans les travaux des
peintres africanistes montrés dans l’exposition tournaisienne « Afrique
Rêvée », puisqu’il ne visitera personnellement le Congo qu’après la
Deuxième Guerre mondiale.
Réf. : « Henry Lacoste,
Architecte » par Eric Hennaut et Liliane Liesens, éd. Archives
d’Architecture Moderne, 2008.
(Francis Vande Putte mars 2011)
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